Alors que les foyers de tension se multiplient dans le monde et que des milliers de vies humaines sont quotidiennement détruites par la guerre, il est important de rappeler l’un des objectifs principaux qui ont motivé la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU). La charte de l’ONU stipule en effet, sans équivoque, en son article premier, que le but de l’organisation est de : « maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d’agression ou autre rupture de la paix (…) ».

Si, à tort ou à raison, il y a aujourd’hui une certaine défiance de certains pays à l’égard de cette institution, fragilisée par ses dysfonctionnements structurels et l’antagonisme entre les intérêts des pays qui détiennent le droit de véto dans le conseil de sécurité, il n’en demeure pas moins qu’elle reste l’unique cadre international d’où peut émerger les espoirs de solutions communes aux problèmes communs de l’humanité.

Les gouvernements du monde, à travers la charte des Nations Unies, affirmaient en 1945 leur détermination à « préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles souffrances (…) [1]». Plus de 70 ans plus tard, que de guerres ont dévasté le monde et semé la désolation dans les cœurs, détruits les rêves et les espoirs des uns et des autres.

Le conflit israélo-palestinien, qui a connu depuis quelques mois, un tournant des plus horribles, est la manifestation des déchirures de notre monde face au fléau de la guerre et du terrorisme. Elle montre les limites du système des nations unies à jouer efficacement le rôle de gardien de la paix dans le monde. La vie humaine n’a pas de couleur, n’a pas de religion et n’a pas de camp. Sa sauvegarde ne devrait pas être conditionnée par des alliances entre puissances au sein du conseil de sécurité. Depuis l’éclatement des hostilités entre les forces israéliennes et le Hamas, nonobstant le nombre ahurissant de morts parmi les civils chaque jour, la communauté internationale semble s’être habituée à l’horreur et chacun, même au conseil de sécurité des nations unies, détourne le regard.

Que peut encore l’ONU face à la situation inhumaine dans la bande de Gaza ? Que faut-il espérer de l’activation de l’article 99 de la charte des Nations Unies par le Secrétaire Général Antonio Guterres ?

Avant son activation par l’actuel secrétaire général des Nations Unies, l’article 99 de la charte n’avait été invoqué par les secrétaires généraux que 3 fois[2]. Ce qui témoigne du caractère rarissime de la situation.  Il s’agit d’une prérogative laissée à tout secrétaire général des Nations Unies d’« attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales ».

En invoquant l’article 99, le secrétaire général met les membres, permanents comme non permanents, du conseil de sécurité devant leur responsabilité, cette responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales à eux confiée par l’ensemble des Etats membres conformément à l’article 24 de la charte des Nations Unies[3].

L’invocation de l’article 99 enclenche un processus qui doit aboutir, en principe, à l’application progressive des mesures prévues aux chapitres VI[4] et VII[5] de la charte des Nations Unies. Le conseil de sécurité est dès lors obligé de sortir de sa posture expectative et de chercher des voies et moyens pour une sortie de crise, pour rétablir la paix.

S’il est inenvisageable que le conseil de sécurité parvienne à décider de l’intervention d’une force militaire internationale dans le conflit israélo-palestinien, puisque les Etats-Unis y opposeront leur véto, il est néanmoins possible de trouver des solutions pacifiques qui permettront de mettre fin à la situation de chaos qui prévaut dans la bande de Gaza où, aucune distinction n’est plus faite entre combattants et civils, enfants, jeunes, femmes, vieillards etc. Si on peut raisonnablement concevoir une réaction légitime contre une agression, cela l’est beaucoup moins lorsque la riposte est autant disproportionnée.

L’escalade dans le conflit israélo-palestinien et les difficultés liées à sa résolution confirment la complexité du droit international et son application laissée in fine aux desiderata des Etats. Les intérêts et les alliances semblent prévaloir sur les règles, sur l’humanisme. Pour le droit international, tout reste à faire, tout est à refaire…

Dr Djifa AGBEZOUKIN

[1] Préambule de la charte des Nations-Unies.

[2] En 1960, pour demander une réunion d’urgence du Conseil de sécurité concernant la crise au Congo, en 1979 lors de la crise des otages américains en Iran, et en 1989 durant la crise au Liban. [voir Gaza: Qu’est-ce-que l’article 99 de la Charte de l’ONU, invoqué par son secrétaire général? (trtfrancais.com)]

[3] Article 24 de la charte des Nations Unies : « Afin d’assurer l’action rapide et efficace de l’Organisation, ses Membres confèrent au Conseil de sécurité la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et reconnaissent qu’en s’acquittant des devoirs que lui impose cette responsabilité le Conseil de sécurité agit en leur nom. »

[4] Règlement pacifique des différends

[5] Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression

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