Les transactions électroniques se généralisant au Togo, le pays a décidé de devenir une référence régionale dans le digital, comme en témoignent l’adoption de la loi portant sur la protection des données personnelles et la création de l’agence nationale de cybersécurité. C’est aussi cette volonté que vient entériner le projet de loi adopté par l’assemblée nationale le 27 juin 2023, dans le but de modifier la législation déjà existante en matière de transactions électroniques.
En fait le Togo s’était doté depuis 2017 de la LOI N°2017-007 relative aux transactions électroniques. Mais compte tenu du rythme effréné de la transition numérique, cette dernière loi ne saurait continuer à encadrer efficacement les transactions électroniques si elle n’évoluait pas. C’est pour cela que le gouvernement Togolais a déposé sur le bureau de l’assemblée nationale, ce projet d’amendement qui a fini par être adopté le 27 juin 2023.
Le champ d’application de la LOI N° 2017-007
Grâce à cet amendement qui vient compléter l’ancien texte avec des dispositions relatives au cachet électronique et au coffre-fort numérique sans oublier les modifications apportées aux règles relatives à la copie électronique et à la conservation de la signature électronique, le Togo dispose désormais d’un cadre juridique actualisé en ce qui concerne les opérations faites par le biais d’un réseau de communication électronique et les procédures administratives dématérialisées.
Toutefois, il faut préciser que les dispositions de la LOI N° 2017-007 telle que modifiée et complétée ne s’appliqueront pas aux régimes dérogatoires concernant les établissements de crédit et les services financiers en matière de preuve électronique.[i] Sont également exclus de son champ d’application, les jeux d’argent sous forme de paris ou de loterie ; les activités de représentation et d’assistance en justice ainsi que les activités exercées par les notaires.[ii]
[i] Voir article 2 loi N°2017-007
[ii] Art 3
Que dit la loi à propos des principales thématiques relatives aux transactions électroniques ?
De la validité et la force probante de l’écrit sous format électronique
Pour commencer, il est prévu que nul ne peut être contraint de conclure un acte juridique par voie électronique, sauf pour certains actes des autorités administratives. Le consentement en la matière doit donc être exprès.[i]
Aussi, ne peut-on refuser de reconnaître la valeur juridique et la force probante d’un acte juridique sous prétexte qu’il est sous format numérique. Cette règle, d’après la loi susmentionnée est valable aussi bien pour les procédures judiciaires que pour les situations ou la loi exige une forme particulière (article 9).
Il est tout de même à noter que les actes sous format électronique ainsi que leurs copies certifiées conformes doivent comporter les éléments qui attesteront de leur authenticité et de leur origine, pour être valides et acceptés. Il s’agira par exemple des messages ou courriels attestant de la réception effective des commandes, de leur confirmation ainsi que des accusés de réception, par les parties concernées.[ii]
[i] Voir les articles 5 et 76
[ii] Art 6 – 10
De la conclusion du contrat électronique
Le contrat conclu par voie électronique est admis au même titre que celui conclu par écrit, à l’exception de certains actes sous seing privé[i] ; ce qui veut dire que l’offre et l’acceptation peuvent être exprimés par messages électroniques.[ii]
Il faut aussi signaler que le législateur Togolais a accordé 10 jours au consommateur pour se rétracter et que ce délai court à partir de :
- La date de leur réception par le consommateur, pour les produits
- Et à partir de la date de conclusion du contrat, pour les services.
Quant à la restitution du montant de ces produits ou services par le vendeur, ils doivent intervenir dans les 10 jours. Mais ce délai passe à 15 jours quand il s’agit de services financiers.[iii]
Toutefois, le droit de rétractation est exclu pour certains contrats comme les commandes personnalisées et les enregistrements audio ou vidéo descellés (art 47). Il est à noter que la détérioration des biens ou services fait également obstacle au droit de rétractation.
[i] Ceux-ci sont relatifs au droit de la famille et successions ; aux sûretés personnelles et réelles de nature civile ou commerciale, sauf s’ils sont passés par une personne ou pour les besoins de sa profession comme indiqué à l’article 39 de la LOI N°2017-007
[ii] Art 41-43
[iii] Article 44, 45 et 46
L’exécution des contrats électroniques
Aux termes de la loi N°2017-007, un procédé d’horodatage électronique fiable suffit à remplir l’exigence d’une date,[i] tout comme l’envoi d’une lettre simple peut suffire à matérialiser l’exécution d’un contrat si celui-ci le permet.
Aussi faut-il remarquer qu’il est interdit au vendeur de livrer un produit non commandé. S’il le fait, il ne peut en exiger du consommateur, le paiement. D’ailleurs, la loi protège le consommateur en prévoyant qu’il peut restituer le produit si ce dernier n’est pas conforme ou si le vendeur n’a pas respecté le délai de livraison. Dans ce cas, le vendeur devra alors rembourser les sommes engagées par le consommateur.[ii]
Il est aussi dit qu’en cas de vente avec essai, le vendeur supporte les risques, sauf en cas de mauvaise utilisation, jusqu’à la fin de la période d’essai du produit.[iii]
[i] Art 11
[ii] Articles 49 et 50
[iii] Art 51
Les factures sous forme électronique
D’après les termes des articles 32 et 33, elles sont admises tout autant que les factures sur papier. Quant à leur conservation, elle se fait par moyen électronique avec toutes les données nécessaires pour attester de leur authenticité.
Les conditions de la publicité et de la prospection en ligne
La publicité en ligne n’est en principe pas interdite. Elle doit néanmoins remplir les conditions permettant de l’identifier clairement en tant que publicité. Il s’agit là des mentions « publicités », « rabais », sans oublier la mention concernant la structure pour le compte de laquelle, elle est faite(art 34).
La prospection en ligne n’est pas non plus interdite sauf lorsque les données n’ont pas été recueillies avec le consentement du prospect. Elle est aussi interdite s’il n’est mis à disposition du destinataire aucun moyen gratuit d’en demander la cessation.[i]
[i] Art 35-38
La responsabilité des prestataires de services techniques
Quand bien même qu’ils soient tenus de conserver au moins pendant une année les données permettant d’identifier les utilisateurs des services fournis, les prestataires de services techniques sont tenus au respect du secret professionnel sous peine de sanctions (art 63 à 65).
L’on notera également que toute personne utilisant un dispositif de signature électronique doit prendre les précautions nécessaires pour qu’il ne soit pas fait une utilisation irrégulière du dispositif. Elle se doit aussi d’informer l’autorité chargée de certification, de toute utilisation illégitime de sa signature si elle ne veut pas voir sa responsabilité engagée.[i]
- Les opérateurs de communication ainsi que les hébergeurs ne sont pas tenus à une obligation générale de surveiller les informations qu’ils transmettent ou stockent. Ils ne sont pas non plus soumis à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.[ii]
Toutefois ils doivent sous peine de sanctions, concourir à la lutte contre la diffusion des messages faisant l’apologie des crimes contre l’humanité, de l’incitation à la violence, à la haine humaine ou raciale ainsi que de la pornographie enfantine, en mettant à disposition du public, les systèmes et moyens techniques de restriction d’accès à certains services (articles 58 et 59).
- Quant aux éditeurs de services de communication en ligne, ils sont soumis aux conditions d’exercice de la liberté d’expression et de communication des idées et des opinions politiques prévues par le code de la presse comme le veut l’article 69.
[i] Art 86
[ii] Art 57
- Les prestataires des services de confiance quant à eux, sont des prestataires techniques de service de sécurisation des échanges électroniques. Ils fournissent des services tels que la certification électronique, l’archivage électronique, l’horodatage électronique et les services de recommandé électronique (art 89).
Les conditions d’exercice de ces métiers sont fixées par un décret en conseil des ministres.
Les obligations communes à tous les prestataires de services sont fixées par les articles 90 à 97 de la loi N°2017-007. Entre autres, ils sont responsables de :
Des dommages causés intentionnellement ou par négligence à toute personne physique ou morale ;
D’informer leurs clients quant aux limites qui existent lors de l’utilisation des services qu’ils fournissent.
Ils sont également soumis à une obligation d’impartialité vis-à-vis des destinataires de leurs services et des tiers.
Ils doivent impérativement souscrire à une assurance responsabilité et disposer de ressources suffisantes pour fonctionner et pour endosser la responsabilité du dommage.[i]
Les prestataires des services de confiance doivent également respecter les différentes normes en vigueur et prendre les mesures techniques et organisationnelles adéquates pour gérer les risques liés à la sécurité des services de confiance qu’ils fournissent.
[i] Art 91
La sécurisation des données et des renseignements
Il est essentiellement question ici des certificats électroniques. Tout d’abord, il faut rappeler que ceux-ci peuvent être qualifiés ou non. Pour qu’ils soient qualifiés, ils doivent être délivrés par un prestataire de service de certifications qualifié et comporter des mentions obligatoires précisées par voie réglementaire (art 83). Il est aussi dit que seul le prestataire de service de certification qui est en conformité avec les articles 99 et 100 et faisant l’objet d’une accréditation est considéré comme qualifié.
Dispositions concernant l’administration électronique
Il faut retenir que tout échange d’informations, de documents et ou d’actes administratifs peut faire l’objet d’une transmission par voie électronique y compris les paiements, et que toute communication effectuée par voie électronique dans le cadre d’une procédure administrative est réputée reçue au moment où son destinataire a la possibilité d’en prendre connaissance.[i]
[i] Art 121 à 126.
Les missions et attributions de l’autorité chargée de certification
Selon l’article 97 de la LOI N° 2017-007, l’autorité chargée de certification définit la politique togolaise de certification ; accrédite et contrôle les prestataires de services de certifications qualifiées. Elle tient également un registre électronique des certificats qualifiés à la disposition des utilisateurs d’après l’article 84 de la même loi.
Liens utiles :
Loi N°2017-007 relatives aux transactions électroniques : https://numerique.gouv.tg/wp-content/uploads/2020/01/PR-Loi-n%C2%B02017-007-relative-aux-transaction-e%CC%81lectroniques-du-12-07-17-n%C2%B00923.pdf
Loi portant modification de la loi N°2017-007 relative aux transactions électroniques : https://assemblee-nationale.tg/wp-content/uploads/2023/07/Transaction-electro-Loi-AN.pdf
Abel Kabité ALOUA, étudiant en Master 2 droit international des affaires à la FSJES de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdallah de Fès.