II- Aperçu du droit de l’OHADA
Le Droit OHADA découle principalement des Actes uniformes pris par le Conseil des Ministres dans différentes matières. A ce jour, dix matières font l’objet d’une législation commune aux 17 États-membres.
1- Le droit commercial général
Adopté le 15 décembre 2010 en remplacement du texte initial du 17 avril 1997, l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général (AUDCG) définit et réglemente :
- Le statut du commerçant : personne accomplissant les actes de commerce par nature comme profession ;
- Le statut nouveau de l’entreprenant : entrepreneur individuel qui, sur simple déclaration, exerce une activité civile professionnelle, artisanale ou agricole. Ce dernier est soumis à un régime juridique simplifié et adapté pour favoriser le passage des acteurs de l’économie informelle vers l’économie formelle ;
- Le registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) qui reçoit notamment les immatriculations des personnes physiques et morales commerçantes, les déclarations d’activité des entreprenants et l’inscription des sûretés. L’informatisation du RCCM vise à favoriser l’accès, en temps réel, à une information fiable et actualisée sur l’ensemble des acteurs économiques de l’espace OHADA et l’état des sûretés consenties ;
- Le bail à usage professionnel : statut qui étend à tous les professionnels exerçant leur activité dans un local pris à bail, la protection autrefois réservée aux commerçants locataires ;
- Le fonds de commerce : constitué de l’ensemble de moyens qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver une clientèle ;
- L’intermédiaire de commerce (commissionnaire, courtier ou agent de commerce) : personne physique ou morale agissant professionnellement pour le compte d’une autre personne afin de conclure avec un tiers un acte juridique à caractère commercial ;
- La vente commerciale : contrat de vente de marchandises entre commerçants, y compris les contrats de fournitures de marchandises destinées à des activités de fabrication ou de production.
2- Le droit des sûretés
Afin de renforcer la confiance des acteurs économiques, l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés[1] a été profondément remanié le 15 Décembre 2010. La réforme modernise substantiellement le cadre juridique des garanties du crédit. Outre l’institution de l’agent des sûretés, professionnel chargé de la gestion des sûretés d’autrui, de leur constitution à leur réalisation, le nouveau texte simplifie les formalités de constitution des sûretés tout en renforçant l’efficacité de celles-ci. L’éventail des garanties susceptibles d’être utilisées est élargi et comprend :
- Les sûretés personnelles qui comprennent le cautionnement, la garantie et la contre garantie autonome[2] ;
- Les sûretés mobilières comprenant le droit de rétention, la propriété retenue ou cédée à titre de garantie, le gage, les nantissements et les privilèges ;
- Les hypothèques, sûretés réelles immobilières.
3- Le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique
L’Acte uniforme du 30 janvier 2014 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (GIE)[3], qui se substitue au texte initial du 17 avril 1997, introduit de nombreuses innovations dans la constitution et la vie des sociétés commerciales dans l’espace géographique de l’OHADA.
La première partie du texte énonce des dispositions générales communes à toutes les formes de sociétés commerciales : règles de constitution et de fonctionnement, responsabilité des dirigeants, liens de droit entre sociétés, transformation, fusion, scission, apports partiels d’actifs, dissolution, liquidation, nullité de la société et des actes sociaux, formalités diverses et règles de publicité. Outre les importantes clarifications apportées, le nouvel AUSCGIE consacre les conventions extrastatutaires devenues d’usage courant dans la vie des affaires, de même qu’il prévoit la nomination d’un administrateur provisoire, en cas de crise entre associés rendant impossible le fonctionnement normal de la société.
La deuxième partie règlemente les diverses formes de sociétés commerciales : société en nom collectif (SNC), société en commandite simple (SCS), société à responsabilité limitée (SARL), société anonyme (SA), Société en participation, société de fait, groupement d’intérêt économique (GIE) et, innovation majeure, société par actions simplifiée (SAS). Le nouveau texte introduit également d’importantes dispositions de droit boursier, de même qu’il améliore le traitement des conventions réglementées afin de renforcer la transparence et le contrôle, mais aussi améliorer la gouvernance des sociétés. Par ailleurs, la possibilité pour les actionnaires et les administrateurs de participer par visioconférence aux réunions de l’assemblée générale ou du conseil d’administration est instituée.
La troisième partie édicte, enfin, des incriminations relatives à la constitution, à la vie, à la dissolution et à la liquidation des sociétés commerciales, étant précisé que les sanctions afférentes aux infractions ainsi prévues doivent être précisées par la loi nationale de chaque État-membre.
4- Les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution
L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) adopté le 10 avril 1998 organise, en matière de recouvrement, deux procédures judiciaires simples à mettre en œuvre par un créancier afin de contraindre son débiteur à exécuter ses engagements : l’injonction de payer et l’injonction de délivrer ou de restituer un bien. Cette dernière étant assortie de deux saisies correspondantes que sont la saisie-appréhension et la saisie-revendication.
Dans le domaine des voies d’exécution, l’AUPSRVE aménage les données de base de l’exécution forcée, et réglemente les différents procédés de contrainte : les saisies conservatoires (de biens meubles corporels, de créances, de droits d’associé et valeurs mobilières), et les saisies exécutoires (saisie-vente, saisie-attribution de créances, saisie des rémunérations, saisie immobilière).
5- Les procédures collectives d’apurement du passif
L’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif du 10 septembre 2015, qui se substitue à celui du 10 avril 1998, organise les procédures de prévention et de traitement des difficultés des entreprises sur décision et sous contrôle judiciaires (conciliation et règlement préventif, avant cessation des paiements, redressement judiciaire et liquidation des biens, après cessation des paiements), définit la réglementation applicable aux mandataires judiciaires ainsi que les sanctions patrimoniales, professionnelles et pénales applicables au débiteur et aux dirigeants de l’entreprise défaillante (faillite personnelle et banqueroute).
Les procédures collectives s’appliquent aux commerçants (personnes physiques et morales), aux entreprenants, aux personnes morales de droit privé non commerçantes, ainsi qu’aux entreprises publiques revêtant la forme de personnes morales de droit privé. Des procédures simplifiées sont instituées pour les petites entités économiques et un cadre juridique fixé pour rationaliser l’activité des mandataires judiciaires. Le nouveau texte, au total, a renforcé la célérité et l’efficacité des procédures collectives, favorisé le sauvetage des entreprises viables et le paiement substantiel des créanciers.
6- Le droit comptable
Adopté en substitution à l’Acte uniforme du 24 mars 2000 portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises, le nouvel Acte uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière (AUDCIF), adopté le 26 janvier 2017, est un corpus juridique rénové auquel est annexé le système comptable OHADA révisé (SYSCOHADA). Le SYSCOHADA révisé comprend, d’une part, le plan comptable général OHADA et, d’autre part, le dispositif comptable des comptes consolidés et combinés.
Tenant compte des évolutions de la normalisation comptable internationale et des besoins financiers grandissants des économies des pays membres de l’OHADA, l’AUDCIF établit les normes comptables, le plan des comptes, les règles de tenue des comptes, de présentation des états financiers et de l’information financière. Il vise les comptes personnels des entités, personnes physiques et morales, les comptes consolidés et les comptes combinés. Il comporte, en outre, des dispositions pénales.
7- Le transport de marchandises par route
L’Acte uniforme du 22 mars 2003 relatif aux contrats de transport de marchandises par route s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route lorsque le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour sa livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés soit sur le territoire d’un États-membres de l’OHADA, soit sur le territoire de deux États différents dont l’un au moins est membre de l’OHADA, à l’exclusion des transports de marchandises dangereuses, des transports funéraires, des transports de déménagement, ou des transports effectués en vertu des conventions postales internationales.
L’Acte uniforme s’applique indépendamment du domicile et de la nationalité des parties au contrat de transport. Il règle la conclusion, l’exécution, la responsabilité et le contentieux découlant du transport.
8- Le droit des sociétés coopératives
Adopté le 15 décembre 2010, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives (AUSCOOP) répond à une demande fortement exprimée par les coopérateurs de l’espace OHADA qui, n’étant pas soumis aux règles des sociétés commerciales, souhaitaient des règles spécifiques harmonisées à l’échelle régionale.
L’AUSCOOP s’applique à toutes les coopératives, sous réserve des règles nationales ou régionales spécifiques, applicables aux sociétés coopératives exerçant une activité bancaire ou financière. Il prévoit deux types de coopératives au choix des entrepreneurs : la société coopérative simplifiée et la société coopérative avec conseil d’administration. Il distingue clairement les règles communes aux deux ainsi que les règles spécifiques à chaque type de coopérative. Quelques traits caractéristiques de ces formes d’organisation de l’entreprise méritent d’être soulignés : l’adhésion volontaire et ouverte à tous sans discrimination, le pouvoir démocratique exercé par les coopérateurs, l’autonomie et l’indépendance, l’éducation, la formation et l’information du coopérateur, l’engagement volontaire envers la communauté, la coopération entre organisations à caractère coopératif.
9- Le droit de l’arbitrage
L’Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage (AUA) constitue le droit commun de l’arbitrage pour l’ensemble des États-membres de l’OHADA. Il pose les principes du droit de l’arbitrage, règle les différentes phases de la procédure, fixe les conditions de la reconnaissance et de l’exécution des sentences arbitrales, et organise les voies de recours ouvertes contre les sentences : recours en annulation, recours en révision et tierce opposition.
L’arbitrage organisé par l’Acte uniforme cohabite, dans le système OHADA, avec l’arbitrage institutionnel spécifique administré par la CCJA, et objet du Règlement d’arbitrage du 11 mars 1999.
L’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA) et le Règlement d’arbitrage de la CCJA ont été révisés le 23 novembre 2017, avec une ouverture sur une législation commune de la médiation dans le cadre d’un dixième Acte uniforme. En substitution au texte initial, le nouvel Acte tend à renforcer la transparence, la célérité et l’efficacité des procédures arbitrales dans les États-membres de l’OHADA.
10- La Médiation
Le dispositif normatif de l’OHADA en matière de règlement alternatif des différends a été enrichi d’un Acte uniforme sur la médiation. Toutefois, l’Acte Uniforme ne s’applique pas aux cas dans lesquels un juge ou un arbitre, pendant une instance judiciaire ou arbitrale, tente de faciliter un règlement amiable directement avec les parties.
[1] Les « sûretés » sont des techniques juridiques destinées à assurer le règlement des créances pour le cas où le débiteur ne disposerait pas de liquidités ou de biens d’une valeur suffisante pour désintéresser l’ensemble de ses créanciers. Les sûretés peuvent porter sur des biens meubles et sur des créances, comme sur des biens ou des droits immobiliers. Les sûretés comprennent en particulier, le gage, le droit de rétention, le nantissement, le warrant, les privilèges et les hypothèques
[2] La contre garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues.
[3] Un groupement d’intérêt économique (GIE) vise à faciliter le développement économique d’entreprises par la mutualisation de ressources, matérielles ou humaines. Un GIE est constitué au minimum de deux personnes physiques ou morales, pour une durée déterminée. Le GIE peut être constitué avec ou sans capital. Il s’agit d’une forme juridique à part entière : ce n’est ni une entreprise ni une association.